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Kabylie Tamurt-iw de Youcef Merahi : Un pèlerinage aux sources de la mémoire

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 Pour ce bon parfum d’été après les chaudes nuits caniculaires, rien de mieux pour l’esprit  qui navigue entre le farniente et le repos entre les pauses détente sur les bords de mer ou dans un coin de la campagne ombragée  que la lecture d’un livre attrayant dont on découvre avec un malin plaisir au fil des pages le contenu. Ainsi en est-il de cet ouvrage sorti cette année aux éditions Dalimen dans la collection des beaux livres ou ouvrages d’art et qui porte un titre court et significatif renvoyant à la description en images et en textes d’une des plus belles régions d’Algérie : la Kabylie suivie du surtitre « mon pays » en langue berbère, un vaste espace géographique doté d’un relief montagneux mais surtout d’une histoire et d’une mémoire plusieurs fois millénaire, comme en témoigne  ce texte de Mouloud Mammeri « La montagne, la grande, j’aime et si tu me demandes pourquoi, je te dirai que c’est peut-être parce qu’elle est un défi à la médiocrité. Choisir de vivre là, c’est opter pour la difficulté passagère, non celle de tous les jours, depuis celui où vous ouvrez les yeux sur un monde hostile, aux horizons vite atteints, jusqu’à celui où vous les fermez pour la dernière fois. Il y a un parti pris d’héroïsme, de folie ou de poésie doucement vaine à choisir cette vie. » Le livre que nous avons parcouru avec une certaine curiosité mêlée de tendresse à la vue de cette grande sélection de photographies en couleurs représentant pour la plupart des paysages montrant les monts enneigés ou verdoyants de Kabylie du moins les plus connus comme le Djurdjura : «  le Djurdjura hermétique semble cacher aux regards un monde imaginaire, très différent du nôtre. C’est un colosse dénudé, d’un blanc de cendre assez terne sur les contreforts et dont les cimes se confondent souvent avec de gros cumulus. Mais en ce mois d’avril au ciel bleu, ses sommets sont encore couverts d’une neige éblouissante. Il offre alors aux montagnards la plénitude d’un spectacle grandiose fait d’extrême puissance et de beauté sauvage. » (Extrait d’un texte de Mouloud Feraoun). D’autres thèmes figurent dans ce livre dans lequel le lecteur s’informe sur les différents aspects de la vie quotidienne, la vie pastorale des paysans, le travail de la terre des agriculteurs et autres fermiers, la cueillette des olives, les visages des femmes et jeunes filles richement parées avec leur tenue vestimentaire caractéristique de cette région, ornées de leurs bijoux en argent et de leurs diadèmes posés avec fierté sur la tête, l’architecture  bien particulière des maisons en pierres taillées haut perchées sur les montagnes et qui forment un monticule bien sauvegardé par une tradition séculaire qui aura perduré par on ne sait quel secret ou magie tutélaire au-delà des temps et des époques diverses qui auront traversé cette région sans en dénaturer sa nature première et profonde ni ses riches  particularismes culturels et linguistiques qui ont survécu aux changements de toutes sortes, particularismes restés intacts et qui font qu’aujourd’hui encore les mœurs et coutumes se perpétuent et sont surtout rebelles et immuables. Un choix intéressant de textes accompagne cette sélection d’images qui en illustrent le contenu d’une manière à la fois esthétique et judicieuse. Ces textes qui nous parviennent de l’auteur ou de chanteurs célèbres à l’instar d’Ait-Menguellat, Cheikh Hasnaoui, Akli Yahyatene, Hadj El Anka et tant d’autres encore, de jeunes poètes et d’écrivains comme Mouloud Feraoun ou Mouloud Mammeri et Tahar Djaout, comportent une version originelle suivie d’une traduction en langue française. Les contenus de ces textes dont les références aux ouvrages ne sont cependant pas mentionnées donnent une large place à la poésie et à des descriptions explicatives sur l’intérieur des maisons kabyles, sur le fonctionnement dans la structure villageoise de ce que les sages appellent « La djemaa ». Pour terminer la visite guidée que nous propose l’auteur dans ce voyage en images et en mots dans les confins parfois oubliés de la Kabylie et qui ne sont pas pour bien des auteurs sans laisser une nostalgie mordante pour les origines et les saveurs des traditions culinaires qui sont rapportées dans ce livre, nous avons choisi parmi les citations ou la raison se dispute la beauté des lieux d’une région toujours féerique qui n’a pas fini de livrer ses secrets les plus enfouis, ce texte où l’écrivain Mouloud Mammeri rend hommage à sa Kabylie natale : « Je ne me dis pas : j’aurai voulu être un citoyen d’Athènes au temps de Périclès, ni un citoyen de Grenade sous les Abencérages, ni un bourgeois de la Vienne des valses. Je suis né dans un canton écarté de haute montagne, d’une vieille race qui depuis des millénaires n’a pas cessé d’être là, avec les uns avec les autres… Qui sous le soleil ou la neige, à travers les sables Garamentes ou les vieilles cités du Tell, a déroulé sa saga, ses épreuves et ses fastes, qui ont contribué dans l’histoire de diverses façons à rendre plus humaine la vie des hommes. »

                                                                                                        Lynda Graba

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18/08/2013
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